L'empereur au milieu de tous
- Nina TREGUER
- 17 nov. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 mai
Quand je suis arrivée en Mongolie, j'ai eu l'impression d'être immédiatement accueillie par un monsieur d'âge moyen qui me fixait peu importe où j'allais, son portrait sur toutes les façades. Cet homme n'était autre que Gengis Khan (Chinggis Khan en Mongol ou encore Чингис Хаан en cyrillique), l'ancien empereur mongol ayant fondé le plus grand empire terrestre connu au début du XIIIème siècle.
Sur les billets de banque, dans les boutiques de souvenirs sous forme de petites (ou grandes) effigies ou bien encore avec le dénominatif "Khan" (qui représente le statut de chef) utilisé pour des restaurants, des magasins, la banque, des boulevards, une marque de vodka... si jamais vous souhaitez voyager en Mongolie, vous ne pouvez pas le manquer, il est partout !

Billet de 20 000 MNT (ou tugrik) au portrait de Gengis Khan

Bouteille de vodka de la marque Chinggis (parmi 4 autres alcools à son effigie)
Ce qui a été vraiment surprenant n'a pas été son omniprésence dans l'environnement public bien que si on venait à faire une parallèle avec la France, même Louis XIV ou Charles de Gaulle n'ont pas une telle présence. Ce qui m'a étonné a été la présence du Khan dans le quotidien des habitants. Je me suis rendue compte qu'il avait une réelle place dans le cœur de beaucoup de familles. J'ai pu voir son portrait encadré dans des restaurants, au milieu de gers (yourtes) habitées et certains chauffeurs de bus accrochent sa photo juste à côté de leur siège.



Je me suis rapidement aperçue que Gengis Khan n'était pas qu'un personnage historique ayant profondément impacté le pays dans son passé. Il est une figure dans la capitale et en dehors, en public et en privé. Pour moi, il est devenu le symbole de la Mongolie, une partie importante de son identité nationale et peut-être sa plus grande fierté (avec les chevaux). Un jeu que j'ai adoré faire a été de photographier toutes les mentions ou apparences de Gengis Khan là où j'allais. Il est réellement au milieu de tous.
Je me suis par la suite demandé comment le pays en est venu à se construire autour de cet empereur au XXIème siècle. J'ai donc appris que dans les années 40, les soviétiques ont interdit de prononcer ne serait-ce que son nom, allant jusqu'à remplacer le script mongol introduit par Gengis Khan par le cyrillique. Par conséquent, pendant la révolution démocratique qui a soulevé le pays en 1989 et entraîné la chute du régime communiste en place, son portrait et son nom sont réapparus. Dans le musée national à Oulan-Bator, plusieurs peintures dépeignant Gengis Khan accompagnant cette révolution peuvent être admirées. Depuis, il est de nouveau célébré : en 2002 quand il a remplacé le révolutionnaire communiste Sukhbaatar sur les billets de banque et en 2006 pour l'anniversaire des 800 ans de son couronnement.
Le passé mongol et le rôle de l'empereur ont donc été réappropriés et cette réapparition a pris davantage d'ampleur dans la construction de la démocratie mongole. Cela se remarque directement au travers du palais du gouvernement sur la grande place Sukhbaatar (maintenant dite Gengis Khan) : on y observe Gengis Khan assis, entouré de deux de ses généraux à cheval ainsi que deux autres statues, celles des deuxième et troisième empereurs mongols - Ogedeï et Kubilai.

Le palais du gouvernement sur l'ancienne place Sukhbaatar, maintenant dite place Chinggis Khan

Statue de Gengis Khan, Oulan-Bator
Ces statues datent de 2006, année de la rénovation du palais du gouvernement abritant le Grand Khoural d'Etat (le parlement) et les bureaux du président et du premier ministre mais aussi, comme mentionné précédemment, année des 800 ans du couronnement de l'Empereur. La symbolique est d'autant plus forte qu'elles remplacent le mausolée destiné à Sukhbaatar, montrant un rejet du communisme et un tournant dans l'identité du pays et dans son orientation politique. Par ailleurs, ce nouveau nationalisme mongol déplait fortement aux gouvernements voisins chinois et russes.
Fun fact (pas si fun que ça) : La Chine s'est interposée contre la naissance de l'exposition "Gengis Khan : comment les mongols ont changé le monde" qui a finalement vu le jour en automne 2023 en France. Le pays a voulu imposer une censure sur le contenu et à refusé de placarder le nom de Gengis Khan sur le musée. Le musée du château des ducs de bretagne de Nantes a finalement changé de partenaire et s'est associé avec le musée Chinggis Khan d'Oulan-Bator. A Oulan-Bator, la même exposition s'est terminée en août dernier.












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